Fiche Actualité

La leçon de boxe

Date : 14/11/2009

 

LA LECON DE BOXE

On observe une dérive  classique dans les clubs qui consiste à transformer la leçon en situation de sac améliorée, où le but n'est plus alors d'apprendre, mais de se faire plaisir sur des cibles mobiles plus attrayantes.

Ces deux manières de percevoir la fonction de la leçon ne sont pourtant pas antinomiques. En effet, elles relèvent en fait davantage d'une différence de situation temporelle dans la préparation du boxeur que d'un mode prédominant.
Ainsi, à l'approche d'une échéance importante en compétition, la leçon peut être tout à fait conçue comme une manière de flatter l'égo du boxeur, notamment en période finale de préparation où le renforcement du sentiment de confiance est fondamental.

A contrario, en tout début de saison, ou pendant la trêve estivale (pour ceux qui ont une trêve!), elle peut devenir un exercice très contraignant d'apprentissage, de renforcement des trajets nerveux pour stabiliser les automatismes, et de mémorisation pratique.
Je me répète un peu, mais l'essentiel est toujours de savoir ce que l'on poursuit comme objectif en donnant la leçon, et d'éviter de proposer un travail trop récurrent d'une séance sur l'autre. En tant qu'entraîneur, il faut être capable de répondre, à la question : "est-ce que ce que je propose ici, est le plus adapté à ce que je veux lui faire acquérir ?"

Mais donner la leçon, n'est encore pas si simple. C'est un exercice de style difficile qui requiert des compétences solides et spécifiques.

Que doit-on posséder afin de donnerla leçon d'une manière efficace ?

Avoir une excellente analyse technique du geste, en fonction du boxeur...
leconboxe1En effet, la technique classique est une chose, mais savoir comment le boxeur se l'approprie, l'utilise voire la détourne parfois, demande une expérience conséquente qui ne s'acquiert qu'en se questionnant sur le sujet, en allant voir les autres boxer, en regardant des vidéos, en questionnant les autres, en comparant avec ce qui se fait ailleurs, même dans d'autres disciplines, en expérimentant soi même...
Cela demande en outre, de bien comprendre l'organisation de son boxeur, de savoir pourquoi et comment il réalise telle chose, de telle façon (nous reviendrons plus longuement dans un prochain article sur cet aspect majeur de la relation entraîneur-boxeur).

Avoir une parfaite intégration du timing des enchaînements
et de la rythmicité des coups...

Pas question bien entendu de travailler sur des « 1,2,3 » d'une implacable linéarité. Ici, en boxe, ce qui est trop régulier devient dangereux car l'adversaire intègre vite le timing récurrent, répétitif et s'en sert pour construire ses ripostes ou ses contres. Il faut donc à la leçon, proposer des timings efficaces, réalistes, coordonnés aux organisations du boxeur et à ce que l'adversaire, dans la plupart des cas, risque de faire (sauf dans le cas particulier bien entendu,  d'une préparation pour un adversaire connu et étudié !).

Avoir bien intégré les directions inversées...
leconboxe2En effet, lorsque l'on demande de sortir « à droite », l'entraîneur désigne une sortie qui est pour lui « à gauche », mais qui est inversée pour le boxeur. Certains entraîneurs mettent alors des codes en place avec le boxeur. En disant par exemple, « tu sors sur ta droite», il signifie « tu sors sur ton dernier coup qui est une droite » (du côté gauche, certes pour le boxeur...), mais en restant malgré tout sur le côté gauche. Attention, l'entraîneur sollicite généralement un mouvement de croisé qui permet de mieux engager l'épaule sur les coups (hors uppercut latéral). Pour frapper du gauche, le boxeur vise la palette tenue de la main gauche par l'entraîneur, ce qui lui impose de croiser le geste devant son visage. L'intérêt réside aussi dans la simplification que cela requiert pour l'entraîneur.
Une gauche reste pour lui un impact dans sa main gauche. C'est une facilité d'anticipation non négligeable!...

Avoir une bonne anticipation spatiale des gestes en miroir...
Et ce n'est pas une chose aisée! Non seulement, il faut avoir une excellente anticipation spatiale des gestes du boxeur (comment va-t-il s'organiser pour frapper? Comment doit-il se placer pour faire ceci? A quel niveau dois-je me placer pour qu'il soit efficace dans ses frappes?), mais également comprendre en inversé ses systèmes de chaînes d'action et de trajectoires. Pas facile!...

Posséder une mémorisation gestuelle exceptionnelle
des enchaînements proposés ou décidés...

leconboxe3Les entraîneurs de haut niveau parviennent à faire réaliser des enchaînements à vitesse maximale de huit à dix coups différents qui intègrent souvent les trois distances (longues, mi distance, corps à corps). En démonstration les enchaînements (qui reprennent en boucle des parties déjà bien assimilées), peuvent être très longs malgré une rythmicité élevée. L'école cubaine en amateur, et américaine en pro, a fortement influencé le milieu pugilistique en développant des aptitudes multiples et des capacités d'adaptations supérieures.
Le must technique : départ hors distance, puis longue, mi, corps à corps, puis mi, distance et hors distance en décalé...

Posséder une musculature solide en contraction exentrique...
leconboxe4En effet, afin de permettre de faire ressentir l'impact des touches, l faut avancer sur le poing, (aller à sa rencontre), à l'endroit défini de l'impact. A haut niveau, le boxeur ne vise plus les palettes, mais l'endroit de l'impact (menton, foie, tempe, etc.). L'engagement pour celui qui donne la leçon est donc entier puisque en cas d'erreur il peut tout à fait être blessé (d'où l'intérêt pour lui, de garder un protège dents moulé par un dentiste, qui permette de parler aisément). L'entraîneur présente donc une posture ouverte et croise la trajectoire de ses mains qui avancent, avec celles des poings du boxeur. C'est à ce niveau d'impact virtuel que se rencontrent, au niveau confirmé, la patte d'ours (ou le gant de leçon), et le poing du boxeur. Ainsi, alors par exemple, que le boxeur mobilise les extenseurs du bras pour frapper en concentrique), l'entraîneur contracte le même groupe musculaire mais dans la fonction inverse, c'est à dire, freiner le coup qui vient et limiter le retrait de la palette (en exentrique). Le principe technique en termes simples  consiste à renvoyer le coup du boxeur, à partir du point d'impact, avec la même force et la même vitesse.
La difficulté pour l'entraîneur vient du fait qu'il faut s'adapter en une fraction de seconde à la puissance du choc, en anticipant sur le second et la suite de la série.

Avoir un matériel solide, performant et multiple....
leconboxe5En effet, afin de multiplier les possibles, un matériel adapté est requis. Inutile de tergiverser, si le matériel n'est pas fiable, il se dégradera très rapidement, mais plus grave, il entraînera des lésions chez l'entraîneur qui est fortement sollicité au niveau articulaire (coudes, épaules, poignets). Il faut donc mettre le prix et se détourner des ersatz Ici, l'entraîneur garde des possibilités de replacement en vitesse offrant des cibles mortes (c'est à dire fixes comme ce bouclier de buste par exemple).
On recherche ici une variation des sensations d'impact entre le buste et les palettes. De plus, les cibles mortes demandent des placements très spécifiques au boxeurs, ce qui est primordial, car ils sont identiques à ceux qui sont requis en combat. En effet, ces cibles mortes ne viennent pas vers le boxeur...

Etre capable de contextualiser la leçon...
Donner la leçon exige d'être plastique et de s'adapter aux contextes différents de travail. Ainsi, une phase d'apprentissage demande une approche plus ouverte et méthodique (organisation de sections apprises de proche en proche). Il faut bien entendu, déterminer les organisations les plus efficaces mais toujours en fonction du boxeur. En phase de perfectionnement de techniques (parties de travail abordées globalement), il faut augmenter vitesse et force dans les frappes, ce qui requiert une attention et une disponibilité maximale du professeur.
En approche technico-tactique, les déplacements vont être fondamentaux afin de recontextualiser les acquis techniques et physiques en situation de mobilité spécifique (les phases sont déclenchées à partir d'un indice spécifique présenté). Enfin dans la préparation des spéciaux (identifier les points forts et les exploiter), ou d'un combat (préparation dans les vestiaires), l'accent est mis sur le renforcement positif des actions de l'athlète.
Ici, on apprend plus, et on ne critique plus les actions. On tente de tirer le meilleur en renforçant la confiance, et en rappelant en petites touches les points importants pour bien fixer la réalisation.
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Avoir une capacité certaine à galvaniser le boxeur et à le pousser à donner le meilleur de lui...
Il y a peu de chance que cela s'apprenne vraiment. Certains entraîneurs ont la capacité de pousser les boxeurs à donner le meilleur d'eux mêmes, à les faire accéder à des niveaux d'engagement à l'entraînement auxquels ils ne se pensaient pas capables d'accéder. C 'est apanage de ceux qui savent travailler « le mental », qui n'ont pas la pudeur et la retenue qui empêche d'aller chercher dans les tripes du boxeurs les points d'appui affectifs qui permettent de se transcender dans la douleur d'un effort, ou encore dans celui d'un apprentissage complexe.


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